Richard Mille, fondateur et dirigeant de la manufacture horlogère éponyme, nous fait aujourd’hui le plaisir de se prêter au jeu des questions-réponses. Cette jeune marque, née en 2001 et déjà très prisée, démontre encore une fois l’adage qui affirme que ni talent, ni succès n’attendent le nombre des années…
Monsieur Mille, avant d’entrer dans le vif du sujet, pourriez-vous nous rappeler votre parcours personnel et nous en dire plus sur ce pari fou de lancer en 2001 une nouvelle marque de montres de luxe ?
J’ai travaillé durant de nombreuses années pour l’industrie horlogère, dans différentes sociétés appartenant à tous les secteurs, des plus populaires aux plus exclusifs. En 2001, j’ai eu la conviction que le moment était venu d’exploiter mes expériences d’une nouvelle manière.
Depuis longtemps, j’avais en tête de créer quelque chose de nouveau et de révolutionnaire pour l’industrie horlogère. De temps à autre, je réalisais même des esquisses et j’étais persuadé que mes idées trouveraient un écho. Aussitôt dit, aussitôt fait, et vous connaissez la suite…
Après une décennie, pouvons-nous présenter la Maison à travers quelques chiffres et informations clés pour dresser un portrait de cette manufacture qui n’en finit plus de monter ?
Avec une production totale annuelle de près de 3 000 pièces, avec un prix moyen de 150 000 Euros, nous restons une marque très exclusive. Sans citer de pays en particulier, je peux dire que l’Extrême-Orient, les États-Unis et l’Europe sont des marchés qui se portent bien.
J’ajouterai que nous sommes bénéficiaires depuis notre première année. Nous augmentons la production d’une centaine de montres par an en s’appuyant sur la création de nouveaux modèles au sein de la collection existante. Pour ne pas perdre de vue l’objectif premier de maintenir une qualité irréprochable, je vise une croissance organique naturelle. Il faut garder à l’esprit que nos créations ne sont en aucun cas des produits de luxe de masse mais bien de très haut gamme.

La montre Richard Mille est atypique et difficilement comparable, il faut bien l’avouer, avec des modèles d’autres marques. D’où viennent ces formes, ce style si particulier ?
Pour ma part, un produit de luxe ne doit pas s’illustrer qu’en apparence, il doit également être confortable au porter. Par exemple, à quoi bon une chaise design si elle cause des douleurs de dos le temps d’un dîner ? Mon premier objectif a donc été de créer une forme ergonomique au poignet. Nous sommes ainsi la seule marque à systématiser un boîtier incurvé sur toutes nos pièces, qu’il s’agisse d’une montre de plongée ou lifestyle.
Par ailleurs, pour en optimiser l’esthétique visuelle, j’aborde le volume défini par le boîtier comme un espace architectural. En combinant tous ces aspects à la Haute Horlogerie, aux nouveaux mouvements mécaniques, aux matériaux innovants, au meilleur de l’artisanat et en intégrant les évolutions techniques, vous obtenez notre vision de la montre-bracelet idéale.
Côté marketing, vous vous appuyez sur des ambassadeurs de renom comme Rafael Nadal, Yohan Blake, Felipe Massa et bien d’autres… Sur quels critères élisez-vous ces personnalités et représentent-elles à vos yeux le moyen incontournable pour une « jeune » maison horlogère moderne de se faire connaître ?
Dans l’univers du sport, je suis fasciné par ceux que l’on pourrait appeler les « outsiders » : des personnalités qui arrivent avec une vision nouvelle et une véritable détermination à aller droit au but sans en faire cas. Observer, bien réfléchir, puis se lancer et foncer : c’est une méthode de travail qui marche ! Je ressens une forte proximité entre mes montres et les personnalités des professionnels avec lesquels nous collaborons.

Comme beaucoup de marques, Richard Mille propose de nombreuses éditions limitées, de quel modèle êtes-vous aujourd’hui le plus fier ? Et quelle est selon Richard Mille la définition d’une belle montre ?
Sans vouloir me défausser, je n’ai pas de modèle préféré, hormis peut-être la dernière montre sur laquelle je travaille car c’est mon « bébé » du moment. Je passe autant de temps sur une montre 3 aiguilles que sur un chronographe avec un boîtier saphir. Après tout, chaque modèle se doit de contenir l’essence de la marque avec un haut degré de technicité !
Malgré les rumeurs de ces derniers mois concernant une éventuelle acquisition de Richard Mille par un groupe horloger, vous conservez votre totale indépendance. Pourquoi ce choix ? N’était-il pas possible de bénéficier de la force de frappe et des avantages d’un grand groupe tout en préservant votre ton et votre liberté créatrice ?
Au cours de ces discussions avec un partenaire potentiel, j’ai retrouvé tout ce à quoi j’avais voulu échapper naguère. Autrement dit, tout le contraire de la méthode de travail que j’ai mise en place et qui a fait le succès de la marque : des décisions rapides, une grande réactivité, un contrôle total de la conception des produits et du développement financier.
Pour résumer, j’ai réalisé que j’aurais risqué de trahir mes convictions et ma philosophie en altérant mes forces propres. Nous allons donc poursuivre notre chemin en demeurant l’une des rares entreprises du secteur à maintenir cette approche qui, en conjuguant aspects positifs et négatifs, a su faire ses preuves depuis seulement quatorze ans.
L’arrivée des montres connectées ne semble pas le moins du monde inquiéter les maisons de haute horlogerie. Quelle est votre opinion sur le sujet et pensez-vous qu’une marque comme Richard Mille puisse dans les prochaines années briser les codes jusqu’à en proposer une un jour ?
La petite voiture électrique ne fait pas d’ombre aux pur-sang et aux grosses berlines. Tout ce petit monde cohabite.
Quel bilan dressez-vous de ce premier semestre 2014 ? Et quelles sont les nouveautés prévues pour le second ?
L’année est très bien partie, avec une hausse des ventes accompagnée d’une légère augmentation de la production. J’ai été ravi de constater que le public a très chaleureusement accueilli les derniers modèles femme ainsi que les nouvelles évolutions sur les montres homme, comme le boîtier en carbone NTPT®, le capteur de G mécanique…
Nous avons récemment présenté au salon Watches & Wonders à Hong Kong 2 nouveaux modèles, la RM 56-02 Tourbillon Saphir et la RM 57-01 Phénix et Dragon-Jackie Chan.
La maison Richard Mille est une jeune pousse de l’horlogerie qui a réussi le pari de se faire une place parmi les marques horlogères les plus prestigieuses en choisissant de conserver son indépendance, quels sont vos objectifs pour les années à venir ?
Nous espérons continuer à étonner chaque année grâce aux nouveautés et nous travaillons dur pour intensifier notre présence internationale grâce à l’ouverture de nouvelles boutiques en nom propre et à une interaction toujours plus forte avec nos distributeurs.
Une question « facile » pour terminer… Quelle montre aujourd’hui à votre poignet ?
Je porte quotidiennement la RM 027 Tourbillon Rafael Nadal, que Rafa avait au poignet en 2010, année du début de notre partenariat, lors de sa première victoire au tournoi du grand chelem à Flushing Meadow.

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